Paul-Emile Victor est né le 28 juin 1907 à Genève et décédé en mars 1995 à Bora-Bora, en Polynésie Française. La vocation polaire de Paul-Emile Victor remonte à son enfance. Il oriente toutes ses études pour réaliser son rêve. Ingénieur (Ecole Centrale de Lyon), licencié ès sciences, diplômé d'ethnologie (Institut Ethnologique de Paris), il a également des certificats de licence de lettres. Il a fait son service militaire comme officier de marine pour apprendre à naviguer. En 1933, il suit les cours de
Marcel Mauss à Paris et, étant attaché au Musée d'Ethnographie du Trocadero (devenu Musée de l'Homme), il prépare dès 1934 sa première expédition polaire. (C'est à cette époque qu'il commence à signer sous le pseudonyme "PEV"). En 1934-1935, il est le chef de l'Expédition Française sur la côte Est du Groenland. Avec Robert Gessain, médecin-anthropologue, Michel Pérez, géologue et Fred Matter, cinéaste, la Mission est embarquée à bord du Pourquoi-Pas? par le Commandant Charcot, déposée chez les esquimaux d'Angmassalik en juillet 1934 et reprise par le même navire en août 1935. Travaux réalisés : ethnologie, anthropologie, géologie.
En 1936, il organise l'Expédition Française Trans-Groenland dont le projet est de traverser la calotte glacière d'ouest en est, à pied et avec des traîneaux à chiens. Avec Robert Gessain, Michel Pérez, et Eigil Knuth, il se fait déposer à ChristianShaab, côte Ouest et rejoint Sermilik sur la côte Est après une traversée de 40 jours pour couvrir 800 kilomètres. Travaux réalisés : glaciologie, météorologie. Ensuite, il passe un deuxième hivernage au Groenland, mais cette fois-ci seul, adopté pendant 14 mois dans une famille Esquimau à Kangerdlugssuatsiak où il se fait déposer par Charcot en août 1936. Le Pourquoi-Pas? disparaît en mer lors du retour vers l'Europe. Paul-Emile Victor n'apprendra le drame qu'en 1937. De nombreux documents, et notamment le film tourné sur la traversée trans-groenlandaise, sont perdus dans ce naufrage. De ses hivernages, il rapporte une étude approfondie de ces populations, et toute une collection d'objets ethnographiques (4000 pièces) dont il fera don au Musée de l'Homme. Il rapporte aussi des travaux de cartographie, avec l'exploration de l'arrière pays d'Ammassalik jusqu'au Mont Forel (cette région du Groenland porte, aujourd'hui, sur toutes les cartes du monde, les noms français qu'il a donnés).
En 1938, puis 1939, il fait deux séjours d'études ethnologiques en Laponie (avec les Docteurs Raymond et Michel Latarjet). Il travaille également pour le Ministère de la Défense, en vue d'adapter les techniques du traîneau à chiens dans les Alpes Françaises.
Au début de la guerre, il est nommé Adjoint à l'Attaché Naval de France en pays scandinaves. Après l' armistice de 1940, en octobre, il quitte la France, passant par l'Afrique du Nord pour rejoindre l' Angleterre et les Forces Françaises Libres du Général de Gaulle. Mais après un séjour forcé au Maroc et en Martinique, il arrive l'année suivante aux Etats-Unis où il s'engage dans la U.S. Air Force comme simple soldat. Après avoir été nommé officier, il devient instructeur pour les régions arctiques, étudie et prépare de nombreux travaux scientifiques, manuels techniques pour les troupes américaines destinées à ce continent. Il termine la guerre comme capitaine.
En 1947, il crée les Expéditions Polaires Françaises (Missions Paul-Emile Victor) qu'il dirige jusqu' en 1976. De 1948 à 1968, il organise plusieurs expéditions au Groenland et en Terre Adélie. En 1968, il est délégué général de la Fondation pour la Sauvegarde de la Nature. En 1974, avec Alain Bombard, Jacques-Yves Cousteau et Haroun Tazieff il crée le groupe Paul-Emile Victor pour la défense de l' Homme et de son Environnement. Il utilise une grande partie de son temps à écrire des ouvrages scientifiques, techniques ou de vulgarisation, ainsi que des ouvrages décrivant ses expéditions et les moeurs des esquimaux qu'il a rencontrés, ouvrages autobiographiques dont la dimension ethnologique contribue à leur large succès. En 1977, réalisant le deuxième rêve de son adolescence, il s'est installé avec sa famille en Polynésie Française sur un îlot dans le lagon de Bora-Bora. Il écrit, dessine et peint. En 1987, pour fêter ses 80 ans il retourne en Terre Adélie en février, et se rend dans l'extrême Nord Canadien et au pôle Nord en avril-mai de la même année. En 1988, le Musée de l'Homme a présenté une exposition des documents, collections et oeuvres ethnographiques de Paul-Emile Victor, ainsi que ses dessins et peintures concernant les régions polaires (Juin 1988-Septembre 1989).
Le contenu du Fonds Paul-Emile Victor se décompose ainsi :
A- Les
manuscrits (cotés VICTOR Ms) : Des journaux de bord de 1934 à 1937, tenus au jour le jour, retracent l'activité de P.-E. Victor durant ses deux hivernages. Ils contiennent des notes personnelles, des récits, des lettres et des observations à caractère ethnographique. Ces journaux sont de précieux témoignages sur la préparation des expéditions et la vie quotidienne des explorateurs chez les Eskimo. Vient ensuite un ensemble d'articles et de manuscrits de publication, notamment les travaux sur les jeux de ficelle, le bilboquet eskimo, et une recherche sur les chiens de traîneau. Enfin, il y a les notes de travail et de terrain qui décrivent tous les aspects de la civilisation, les moyens de transport, l'habitat, la nourriture, la chasse, de nombreuses notes sur les jeux, sur le chamanisme et la magie. Paul-Emile Victor a accompagné ses notes de dessins très précis des objets, outils, armes, ainsi que des positions du corps. Les manuscrits contiennent de nombreux textes en langue eskimo et plus particulièrement un ensemble important de chants.
B- Les
dessins (cotés ICN) : A cet ensemble de manuscrits viennent s'ajouter les dessins qui sont de plusieurs époques : d'abord les dessins originaux de Paul-Emile Victor, des portraits pour la plupart des E
squimaux dont il partagea la vie entre 1934 et 1937. Comme les manuscrits, ces documents sont restés dans l'oubli, et lorsqu'il les a retrouvés, dans les années quatre-vingt, il a ré-interprèté toute une série de thèmes, dessins qui ont été exposés au Musée de l'Homme en 1988. Il s'ajoute encore plus de 250 dessins faits par les
Esquimaux et récoltés par Paul-Emile Victor lors de ces séjours dans les villages groenlandais. Pratiquement inédits hormis quelques uns publiés dans
la Civilisation du phoque, ils sont très intéressants car ils concernent les légendes et la vie quotidienne des esquimaux vus par eux mêmes. Une liste des dessinateurs a été établie par Madame Robert-Lamblin en regard d'une généalogie des habitants d'Ammassalik.
C- Les
photographies (cotées Pho) : On trouve dans ces photographies des portraits, des paysages, des scènes de la vie quotidienne. C'est le témoignage le plus vif des séjours de Paul-Emile Victor au Groenland, et il serait du plus grand intérêt de les étudier en regard de son journal de bord. Malheureusement il ne reste que des reproductions tels des contacts au format 24x36, pour la période 1936-1937. Il y a aussi des films positifs pour la projection, pour la période 1934-1935, et quelques 153 tirages qui ne rendent que très partiellement compte des cinq mille films ramenés à l'origine.